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Claude Yvroud
Plasticien Écrivain
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© Claude Yvroud
Frontières Passages céramiques
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© Claude Yvroud
Et l'on avait reconnu en lui l'étranger au fait qu'il regardait dehors.
Notre façon de nous déplacer, de regarder, la façon elle-même de regarder dehors plutôt que dedans nous définissent comme étranger. Somme toute là, nous ne regardons que des papiers déchirés mais qui sont aussi dans le même temps du regard, des reliefs montagneux se succédant, plus vrais sans doute que véridiques. L'étranger en question a l'extrême pouvoir de refaire le monde. C'est chez lui, une seconde nature. L'étranger ne respecte pas forcément les coutumes locales, pas par effronterie forcément mais parce qu'il a des habitudes, un esprit curieux et qu'il aime regarder dehors, au-delà, et par la fenêtre. « Devrais-je encore et encore franchir ces montagnes ou bien me fixer là, ici, définitivement ? » se demande-t-il.
Cet extrait de texte qui fait titre, vient d'un livre de George W. Sebald et désigne Stig Dagermann. Peu importe qui il désigne, bien que cet auteur également a eu son importance pour moi. Ce titre m'a plu tout de suite, je me suis senti concerné, j'ai senti qu'il touchait précisément, justement et directement quelque chose en moi. Pour cet autre chose que j'étais en train de réaliser, faire, là, sans réfléchir, ces papiers teintés et déchirés et collés, il me fallait un titre. Un titre ouvre tout d'abord, referme, puis ouvre de nouveau, un bon titre, un titre qui parle et qui se fond dans la matière. « Et l'on avait reconnu en lui l'étranger au fait qu'il regardait dehors ». Ce titre.
La curiosité, la manie presque, l'intérêt constant pour ce qui se passe dehors, ce qui se déroule et particulièrement ce qui ne raconte rien si l'on veut, le paysage, ses changements météorologiques etc, et pourtant avec cet intérêt soudé à la patience, on sait que peu à peu et d'une certaine façon nous savons à l'infime détail près de quoi est fait l'instant et de quoi sera fait celui d'après.
L'étranger, sa curiosité de « l'absolument-voir » n'est que maladresse au yeux de celui qui ne regarde pas, ni dedans ni dehors d'ailleurs. Maladresse et non provocation c'est évident. Il fait comme il sait faire, comme d'autres avant lui ont fait, lui ont transmis. « Ceux qui lui ont ouvert les yeux sur la beauté du monde… » ? Mais cela fait pompeux, revenons en à ces choses plus basses, plus belles, plus proches surtout. Je me suis souvent senti étranger, depuis toujours, certainement dans l'une ou l'autre situation, encore et toujours, jusqu'au bout. On n'est pas forcément pareil, pareil que qui, que quoi, d'ailleurs ? Nos actes en sont la preuve, la façon de regarder, de marcher de se mouvoir disais-je. Mais la sensation, plus que le sentiment, quelque chose de spatial, d'être ici où là, à différentes époques, d'être un étranger voire un indésirable, ça je l'ai ressenti, question de langue, d'accent, d'origine sociale ou géographique, mentale surtout, question de goûts.
L'étranger qui regarde par la fenêtre ce second moi-même et repéré comme tel, est regardé à son tour, il prend forme dans le paysage, devant la fenêtre, et l'abîme créé ainsi englobe le tout et le définit comme étranger. Indécrottable pour un certain temps.
Echniquement pourrait-on dire, il me semble que ça disait, « mes notes », que je disais et soutenais jadis et mettais en œuvre, cet équivalent d'un avis moral ou d'une pose intellectuelle, ou le dégoût de tout surréalisme-reflet d'une fin d'époque poétique, donc : « Ne pas voir quelque chose dans les choses mais la chose elle-même telle quelle est. » Là, il semblerait que, rattrapé par ce travers humain très commun qui est, de voir dans les nuages ou de voir dans les taches des murs humides autre chose que ce qu'ils montrent, que ce quelque chose entre-aperçu nous ouvrirait un autre monde ou redoublerait celui-ci en le recréant. Il semble que ce mouvement se soit inversé en moi. Dans un amas organisé de papiers déchirés et collés je vois : « autre chose ».
Ces papiers déchirés nous indiquent que nous regardons des papiers déchirés, et dans le même temps des reliefs montagneux se succédant plus vrais que véridiques, plus vrais que tous vrais crépuscules ou situations météos extrêmes, pré-orage, loupe de la chute de pression atmosphérique, gonflement des reliefs, distances faussées par l'effet d'un zoom augmenté quasi infini et contraire à toute règle naturelle, assombrissement des creux des lacs, tâche éclatante des glaciers, découpe blanche des cols…, et cela, nous va tout à fait, et nous continuons de regarder dehors… Claude Yvroud 2016
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© Claude Yvroud
Et d'ailleurs il en avait plus que marre que l'on reconnaisse en lui l'étranger au fait qu'il regardait dehors.
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© Claude Yvroud
CABANES
…Les habitants, s'il y en a, s'il y en avait, sont à la plage à la chasse ou en train de mendier dans le centre-ville, ont disparus, n'ont pas d'âge précis, dînent avec leurs parents car il est l'heure, ne sont jamais revenus, certains reviendront peut-être, ce sera nous ou d'autres, les bras vides de matériaux, quelque projet en tête, quelque idée météorologique, quelque idée du son du lieu des chants, du bruissement de la faune, et une attirance pour cela. Notez bien qu'il n'y a pas d'échelle discriminante, ni pour ses occupants potentiels, son occupant généralement, ni pour les matériaux qui la composent. Elle est là comme une évidence, toujours un peu déglinguée vétuste ou comme en construction, au vent, en atteste les lambeaux de rideaux agités…, parmi la végétation, entre deux troncs malingres, bénéficiant des appuis d'une branche ou d'un niveau de terrain, plus ou moins visible, c'est son espace et c'est l'idée de cabane qui est visible de façon essentielle.
La cabane a un nom comme son état, intermédiaire, qui ne tient pas debout et pourtant elle résiste. La notion de cabane ce n'est pas la notion de maison, la notion qui abrite, la notion qui se tient plus ou moins debout d'un côté et parfaitement ancrée dans la terre quand il s'agit d'une vraie maison, de l'autre. La notion de cabane inclus un amour inconsidéré, plutôt forcé, obligé, pour le vent et les intempéries, car rien n'arrête ou peu, l'extérieur qui veut toujours se faufiler dans un intérieur, tellement déçu qu'il en sort aussitôt. La maison se languit de la cabane comme le chien du loup. La maison n'est qu'une nostalgique alors que la cabane est déjà ailleurs presque morte mais mieux. Ça sera tout pour les comparaisons, chacune a son chemin, celle-ci est au détour de celui-ci. La cabane doit se contenter. Brinquebalante, parfois solide, forcément en construction perpétuelle appelée aussi réparation, entretien calfeutrage évolution reconstruction.
Elle n'est fréquentée qu'à la saison chaude, ou par intermittence à la saison froide, ce qui se nomme : curiosité et « où en sommes-nous ? ». On débouche toujours sur une cabane, elle n'est jamais étonnée. « Au détour d'un bois, à la croisée des chemins… », ces notions encore des notions, font rire la cabane. Elle pourrit, tranquille. Son bois tombe, ses fils de fer rouillent, sa tôle ou son carton goudronné battent au vent. Il reste toujours quelque chose du corps de la cabane. Il suffit d'être attentif. La cabane idéale est vraiment dans un arbre, entre trois ou quatre branches même difficile d'accès, il est souvent plus difficile d'en descendre, dans une cabane on répond difficilement à l'appel des heures, des parents, des repas fixes des rendez-vous, de toute obligation.
À l'origine d'une cabane il y pratiquement toujours un trait de génie architectural, même simpliste même s'il ne s'agit que d'une branche posée dans la fourche d'une autre, juste là, comme il faut. La cabane suit la pente, suit le vent, roule avec la pluie, siffle avec la tempête bat avec l'orage et se tait avec la neige. La cabane suit sa pente naturelle. Le moindre objet peut-être récupérable pour une cabane, et récupéré, surtout. Il y a le plaisir de faire des nœuds, d'entrecroiser des branches, de s'élever au-dessus du sol plus que de s'enterrer, de voir le monde de là, de s'en contenter et de s'en trouver content. La cabane est toujours une nécessité, vitale, que ce soit vital pour la vie de la survie ou pour la survie du désir de vivre. Toujours. Elle existe pour cela, peuple cette réalité singulière quelle produit. Sa respiration est imperceptible, indispensable, sans son échange gazeux nous ne pourrions vivre, j'insiste. La cabane est toujours là où il faut, comme il faut, posée de la meilleure façon, souvent avec grâce.
D'une certaine façon, la cabane se « fait » seule, s'auto-fabrique, se lie au paysage s'y imbrique s'y camoufle en notre absence, on peut passer à côté plus tard sans la reconnaître, elle ne se manifestera pas au-delà, elle reste où elle « est », elle se situe cabane, entourées de repères simples et mouvants, c'est justement ce qui « fait » là cabane. Là où nous repasserons elle sera, modifiée, simple trace ou magnifiée, ré-élaborée, disparue absorbée par le paysage, en creux, attestée par un élément au sol, pourrissant, un élément cloué flottant insistant, une cabane succédera à une cabane, comme un lieu de culte sur un autre, on en fera une autre ici où se tenait son ancêtre en quelque sorte, un ancêtre qui n'a transmis que l'espace en creux où elle poussera, croîtra puis pourrira disparaîtra, occupant ce temps propre aux cabanes, qui n'est pas forcément le notre, le même.
Ce temps nous côtoie. La cabane nous précède, c'est elle qui vient vers nous, cela devient une habitude. Incrustée modestement mais durablement dans la case mémorielle qui lui correspond, elle nous fait « le coup du lieu déjà vu », elle est déjà là, c'est à ce moment à cet endroit, au détour, précisément, qu'elle apparaît au bout de la plume, au fil de l'encre, se pose et s'incruste dans l'espace blanc du papier, délimité, ne se bâtit pas de n'importe quelle façon, conservant toutefois ce côté « inachevé » qui lui donne son nom de cabane, justement. Claude Yvroud [plume de rapace et encre de chine sur papier 20X20cm] 2008 -2013
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© Claude Yvroud
CABANES
Technique mixte sur papier 50X50cm 2014/2015
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© Claude Yvroud
Après avoir laissé vos corps ordonnés (notes).
Lecteur dans mon fauteuil…, une phrase est repérée, une phrase est découpée en son centre ou en sa fin, ou se tient déjà toute faite, entière-bien-comme-il-faut, comme il sied à ce que nous attendons d'elle.
Pour l'instant le poids irrégulier d'une phrase, poids porté par son sens ou allégée par sa construction ne nous dit rien de plus, ne dit rien de plus de notre attente et il y en a une, il va falloir préciser et en cela ou pour cela, se saisir d'un matériau.
La phrase est courte et parce que déjà titre quand on la découpe, parfaite.
J'oubliais de dire que la phrase qui deviendra titre et surtout moteur d'un objet est extraite d'un livre, d'une lecture et souvent de plusieurs lectures simultanées.
Pour suivre encore le parcours le « cheminement » de cet extrait de littérature - qui deviendra par la force des matériaux et une certaine volonté de faire, une orientation, une décision, autre chose - il faut tenter de se représenter un monde qui tantôt oscille vers la rêverie et tantôt se tient tout à fait sur ses pieds, quoique opposer ces deux modèles est une bêtise, ils représentent ou plutôt l'aller de l'un à l'autre et inversement, expriment en effet plutôt bien ce qui fait le petit moteur et l'aboutissement d'une décision de création : ici, un objet de terre cuite parfois émaillée appelé : céramique.
Un objet littéraire de terre cuite en somme, un objet comme tombé de la phrase (quand on la secoue ?), un objet qui procure à la phrase, une autre vie, la fait bifurquer plutôt que s'anéantir, lui apporte un supplément de quelque chose parfois, quelque chose d'assez éloigné souvent de son origine et de son but puisque rien ne la préparait à être, ni titre ni mode d'emploi ni autre chose qu'une phrase ; quelque chose l'autorise à une certaine densité car quel que soit l'objet, sa taille et sa place dans l'espace, il s'agit tout de même d'un objet de terre.
Un titre parfait disais-je, un bout de littérature un extrait un décalage, un extrait découpé qu'un rebondissement fait objet de terre cuite, objet littéraire de terre cuite, objet qui dès lors choisit un autre chemin titré par sa phrase ou son extrait découpé de phrase.
Une phrase ou son extrait-titre en quelque sorte matérialisée, même si cela parait simpliste.
Un certain poids une certaine forme donnée à ce poids et à ce cheminement décrit plus haut.
Certaines de ces maisons/cabanes ou maisonnettes ou cabanettes ou agencement de…, jouent à mettre au défi la pesanteur des mots, les contredisent, vont les chercher dans leurs retranchements leur retraite, titille ce qui va faire titre en eux et dans la matière-phrase elle-même, ou bien ne font que coller au sens propre, ironique collant à leurs basques, ricanant un tantinet perverses, soulignant le sens d'un récit ou d'un essai, ou bien redoublant leur sens-rabâchant, bégayant-annulant ce qui était dit par ce redoublement, poussent la phrase à sauter hors du sens qui semblait lui être acquis, standardisent en sommes et fixent, ou ne fixent rien du tout car finalement on le sait, rien n'est véritablement acquis, et « chez » ces, ou « en » ces maisonnettes ou cabanettes encore bien moins puisqu'il restera au nouveau lecteur, au public à celui qui regarde, toute latitude pour inverser ce qui est dit ou déjà contredit ou non contenu dans l'objet, ou inexistant.
Elles sautent ces maisonnettes plus ou moins agencées, façon de parler, hors du texte, hors du langage même, elles esquissent même si on leur demande, quelques pas primesautiers voir humanisés, je dirai même les conduisant à un certain sourire.
Inversant ce qui fait notre logique depuis toujours, elles sont à leur tour habitantes de la phrase qui les hébergent, sans en être évidemment tributaires une fois extraites.
Lorsque je lis et que dans la phrase, je découpe : C'est à partir de là que nous pouvons définir le futur (Sartre), ou : Ces fioritures de l'intellect virtuose poussent sur un fond de coïncidence juxtalinéaire qui est la limite tautégorique de l'allégorie (Jankélévitch), ou bien dans le journal local : L'orage de grêle n'a pas assombri la 40ème fête de la Saint Roch, ou bien encore : Comme Les petits drapeaux d'un sémaphore robuste (Barthes),… se met en route non pas de la pensée (quoiqu'on ne puisse en sortir aussi facilement), mais l'infime percussion des mots, un joyeux sursaut de type Immer kindlich benjaminien, un jeu, un mode par raccourcis plutôt que par développement ; certes parfois un peu « pied de la lettre » comme le font justement certains enfants mais démontant toute velléité de présomptions, le tout sans coffre ni casiers d'archives ni engrangement, une mécanique du jeu, un « comme ça », et ce premier jet de la découverte demeurera fixé dans la terre. Pour quel futur ? Des brochettes sur un plat, de fausses brochettes. Quelles fioritures de l'intellect ? Une ronde de cabanettes, une ronde façon chaises musicales sans exclus ou chaîne sadienne ininterrompue, machine à jouir perpétuelle. Quelle Saint Roch ? De grosses saucisses ou andouillettes géantes pour une humanité régionale condamnée à s'amuser en réunion (comme pour le crime) et à répéter de cette façon et pas d'une autre. Les petits drapeaux d'un sémaphore robuste ? Apéricubes et cure-dents, petits trucs dressés et denses d'un vernissage que beaucoup d'entre nous connaissons.
…Quelle que soit la taille de la réalisation, garder le geste, conserver l'angle d'attaque, grand dans du petit, ramassé dans du grand. Pour l'instant il s'agira de relativement petit qui pourrait le cas échéant, être agrandi sans peine.
La maisonnette étant pour l'unité de mon travail sensée être de proximité avec les cabanes en dessin et tout ce qui s'y rattache, sans doute en moins précaire. Ce qui rapproche cet objet de la cabane - En effet il parait étonnant pour un individu-moi qui ne supporte pas le « un chat est un chat » cet infâme générique – que la maisonnette taillée en deux coups de spatule et couteau est : sans cheminée sans porte, tel un pictogramme presque tridimensionnel.
…Possible aussi et ce serait souhaitable, qu'une fois extraites du bruissement perpétuel du discours incessant qui nous est réclamé, dont nous nous réclamons, autant que de notre besoin de justification, autant et aussi fort que du geste et du feu qui le clôt, possibles qu'elles se tiennent muettes sereines et calmes, peu bavardes, ce sera comme on veut…
Claude Yvroud, AALVCO [Céramique] 2013/2016
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© Claude Yvroud
Après avoir laissé vos corps ordonnés (Céramiques).
Claude Yvroud, AALVCO [Céramique] 2013/2016
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Vents incohérents
Claude Yvroud, [encre typographique - 50X50cm] 2016
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© Claude Yvroud
Livres (objets) d'artiste...
La Fabrique Poïein éditeur, Claude Yvroud - 2013/2014
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© Claude Yvroud
À quoi bon des photographies de paysages nues
Claude Yvroud [Argentique] 2003
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@ Claude Yvroud
Cols Frontières Passages / Instructions terrestres
Si je me souviens bien et je devrais, le type était derrière la vitre du bistrot et regardait la chaîne de montagne face à lui, la barrière qui se dressait là monstrueuse et sans doute infranchissable, « Devrais-je encore et encore franchir ces montagnes ou bien me fixer là, ici, définitivement ? » se demandait-t-il. C'était il y a quelques années. Aujourd'hui il marche. Aujourd'hui l'obsession trace la route.
Il y avait aussi cette phrase qui en disait long, qui en dit toujours long quand elle passe par là : « Et l'on avait vu en lui l'étranger au fait qu'il regardait dehors. ». Ça le définissait d'ailleurs parfaitement, et il insistait et il en redemandait. Lui, la curiosité même, la manie presque, l'intérêt constant pour ce qui se passe dehors, ce qui se déroule et particulièrement ce qui ne raconte rien si l'on veut, le paysage, ses changements météorologiques, avec cet intérêt soudé à la patience quand nous savons que peu à peu à l'infime détail près, de quoi est fait l'instant et de quoi sera fait celui d'après. La manie presque qui ce jour là était survie. il n'aspirait qu'à franchir, rejoindre, passer, aller, chercher un col une passe mais pour l'heure il était là.
Il marche. Aujourd'hui, la marche est devenu son état, la marche c'est son être, son second lui-même hallucinatoire, il hallucine le chemin qui se répète sans se répéter vraiment. Il faut se projeter de l'autre côté, repérer les reliefs faciles, le bon relief, la bonne passe, le moindre danger et surtout, évacuer ces milliards de paysages vus sans les voir ou les regardant trop et sans comprendre. On marche sans voix, on ne parle pas mais cette frontière est vraiment la Frontière d'un récit une fois évacués ces milliards de paysages vus sans les voir ou les regardant trop sans comprendre. Le rythme est lent. Le trait est rapide. Noir.
On ne franchit pas un col avec une bouée orange, la sémantique ne remplace pas une bonne paire de chaussures, l'obsession trace la route en aveugle et hallucine une frontière de rêve, un col ou un passage absurde et difficultueux qui revient et qui revient, l'évacuation de ce qui n'a pu être vraiment regardé nécessite des milliers de paysages en attente, ceux que l'on partage sans les voir ou d'autres que l'on voit là où il n'y a plus rien à voir, la frontière idéale est en ruine, n'est que le fantôme d'elle même. Toutefois donc, Cols Frontières Passages et la beauté des vestiges si le temps le permet.
Claude Yvroud, 2018
Vidéos
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Lectures - Expositions - Événementiels
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Cols Frontières Passages / Instructions terrestres - Exposition Galerie B+ à Lyon
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